Malaises identitaires et dé-institutionnalisation
Rencontre avec René Kaës
Colloque international
Psychanalyse, Sciences Humaines et Sociales
Besançon les 14, 15 et 16 janvier 2016
MSHE (USR 3124) Laboratoire de Psychologie (EA 3188) - Ecole Doctorale LETS (ED 38) - UFR SLHS
Certaines évolutions de nos sociétés remettent en question autant la psychanalyse que les sciences humaines, dans leurs conceptualisations, méthodes, résultats ou légitimité. Face à de tels défis, nous reprendrons la question de la place de l’inconscient aujourd’hui au regard de la nécessité d’étudier les différents types de malaises identitaires présents dans notre culture, de promouvoir des méthodes pour faire face aux processus de dé-institutionnalisation qui les sous-tendent, voire de poursuivre un travail de reconstruction des sciences humaines autour de leurs objets.
Nous avons invité pour ce faire René Kaës, une figure centrale de la psychanalyse groupale. Ses travaux pourront soutenir ce débat car, dans leur tentative de dépasser la conception individuelle de l’inconscient, ils abordent la question du lien entre les individus - au sein des groupes, des ensembles humains, ainsi qu’au niveau du malaise dans notre civilisation - et reposent explicitement sur une conception intersubjective de la psyché.
Nous soutiendrons dans ce colloque l’hypothèse que les différents types de malaise identitaire dans nos sociétés, que l’actualité met parfois en exergue, sont intimement liés à des processus de mutations institutionnels, voire sociétaux : ce qui a été pour un temps institué, « ce qui fait institution » au sens de l’Establishment chez W.R. Bion, est remis en cause. L’introduction de l’idée de « postmodernité », ou « d’hypermodernité », traduirait ce changement.
Nos institutions sont ainsi traversées par un tel vacillement identitaire. De l’école à la psychiatrie, du secteur social au secteur sanitaire, de la famille au groupe de pairs la clinique groupale devient le lieu privilégié d’observation et de traitement de tels processus. Les différences qui soutiennent la structuration du Sujet et de la société s’émoussent (comme celles entre les générations, entre les sexes, autour de l’humain et du non humain, du vivant et du non vivant, du public et de l’intime, du familier et de l’étranger, du vrai et du faux, du permanent et du précaire) sans que nous percevions clairement de nouveaux repères. Pradoxalement l'individu devient plus que jamais le lieu de toute autonomie ou "dépassement".
« L’établissement » du savoir porte la marque de cette déstabilisation. Ceci est tout particulièrement visible pour les sciences qui étudient ces phénomènes et ont pris pour objet l’homme et la société. Les sciences humaines seraient ainsi doublement sous l’impact de ce problème. Après l’apogée du structuralisme, qui peut être considéré comme une véritable tentative identitaire, elles risquent l’éparpillement, la dilution, la ghettoïsation, voire la disparition. Nous ne percevons plus l’espace commun d’un débat entre elles.
Ce colloque a pour ambition d’offrir un cadre à ce problème. Comment la psychanalyse évolue-t-elle pour conceptualiser, rendre compte et intervenir dans de telles situations sociales, éducatives ou médicales d’un mal être diffus, peu défini ou trop intense ? Comment les sciences humaines prennent-elles en compte ces processus ? Un inconscient envisagé dans l’intersubjectivité peut-il être ici une hypothèse pertinente ? Ce changement de focale correspond-t-il à l’évolution des sciences humaines ? Malgré la différence de leur périmètre, de leur objet et de leurs méthodes peuvent-elles avoir un nouveau point commun de débat ?
Pour mettre au travail ces questions, les phénomènes de dé-institutionnalisation et de malaise identitaire seront abordés avec la clinique groupale actuelle, sous l’angle de la psychanalyse et des débats qui l’animent, mais également à un niveau plus interdisciplinaire avec différents apports en anthropologie, sociologie, neurosciences, histoire, philosophie ou médecine.
Une table ronde terminale posera la question de la recomposition même du paysage en sciences humaines et sociales. La construction d’un objet de recherche répond-elle à de nouveaux critères ? Comment chaque discipline s’articule-t-elle avec les autres ? Comment pouvons-nous penser et « ré-instituer » le débat dans ce domaine ?